我和他們說一切就像“睡美人”。為了避免公主扎到手指后死去,仙女們決定讓她和她周圍的所有人都沉睡百年。我們也一樣,得在家休息,總有一天,王子會有一個吻喚醒公主,我們又可以重新相擁。
A la télévision, un homme qui était, j’en suis s?re, bien intentionné, a dit que nous étions tous à égalité face à cette épreuve et que nous devions nous unir. Mais nous ne sommes pas à égalité. Les jours qui viennent vont au contraire creuser, avec une cruauté certaine, les inégalités. Ceux qui ont peu, ceux qui n’ont rien, ceux pour qui l’avenir est tous les jours incertain, ceux-là n’ont pas la même chance que moi. Je n’ai pas faim, je n’ai pas froid, j’ai une chambre à moi d’où je vous écris ces mots. J’ai le loisir de m’évader, dans des livres, dans des films. Le matin, je fais classe à mes enfants, et pour l’instant nous gardons notre calme. Pour expliquer le principe du confinement, je leur ai dit que c’était un peu comme dans la Belle au bois dormant. Pour que la princesse ne meure pas en se piquant au doigt, les fées ont pris la décision de l’endormir, elle et tous ses proches, pendant cent ans. Nous aussi, nous allons devoir prendre du repos, rester chez nous et un jour, tout comme le prince sauve la belle d’un baiser, nous pourrons nous embrasser à nouveau.
女作家蕾拉·斯利瑪尼(Le?la Slimani)在《世界報》上連載自己的《隔離日記》。中文文稿,出自法語人。
Jour 1
我們像是在《睡美人》的故事里
J’ai dit à mes enfants que
c’était un peu comme dans la Belle au bois dormant
Mon fils demande : ? C’est parce que la planète est fatiguée ? ?. Oui, lui dis-je, tu dois avoir raison. Cette pauvre planète est épuisée, elle prend sa revanche, elle nous assigne à résidence. Comment s’empêcher de voir, dans ce qui nous arrive, une certaine ironie ? Celui qui écrit cette pièce à huis clos ne manque pas d’humour. Monde de solitudes, nous voilà esseulés. Monde de virtualité, nous voilà réduits à n’exister, à ne nous parler, à n’interagir qu’à travers des écrans. Monde inhospitalier, nous voilà enfermés. Nous rêvions d’un monde où on pourrait, depuis son canapé, regarder des films, lire des livres, commander à manger. Nous y voilà, ne bougez plus, vos v?ux sont exaucés. Il y a dix jours nous scandions ? on se lève et on se casse. ? Mais il n’y a plus, à présent, nulle part où aller.
Mon fils est assis à la table de la salle à manger. Je lui apprends l’imparfait. ? C’est quand on parle d’autrefois. ? Et le futur. ? Pour ce qui arrivera demain. ? Je regarde ses petits doigts glisser sur la feuille et quelque chose, dans son application, dans son souhait de bien faire, me serre le c?ur. Je me rends compte que je ne sais plus faire de multiplications. Je ne l’avoue pas et je cache mon portable sous la table pour utiliser ma calculatrice. Aujourd’hui, j’ai proposé un exercice. ? Faites un portrait du coronavirus ? et mes enfants ont dessiné des monstres colorés, aux yeux rouges et aux doigts couverts de griffes. ? On l’aime ce virus. C’est quand même grace à lui qu’on est en vacances. ?